Jeudi 26 mai

En perte de légitimité, presque moribond, le FMI est revenu au cœur du jeu international à la faveur de la crise des subprime. La faillite de Lehmann Brother en 2008 va précipiter la finance et l’économie mondiales au bord du précipice et redonner à l’institution un rôle clef au sein de la gouvernance économique mondiale.

Tout d’abord, un peu d’histoire. L’orthodoxie libérale, mise en œuvre à travers les plans d’ajustement structurels, qui appliquent à la lettre le consensus de Washington ont plongé le FMI dans une profonde crise de légitimité. Ces détracteurs considèrent que ces interventions, même si elles permettent un « dépannage » momentané des pays qui les acceptent, aggravent la pauvreté, ne relancent pas l’économie, diminuent de manière non négligeable la capacité d'intervention et donc la souveraineté de ces États à travers de vaste programme de privatisation et de libéralisation de l’économie. Après trente années de libéralisme acharné, le discrédit intellectuel, qui s’accompagne d’une perte de légitimité, devient l’une de ses principales faiblesses.

Mais surtout, dans un monde en bonne santé financière, le FMI perd de son utilité. Nombre d’émergents tels que l’Argentine ont remboursé par anticipation leurs prêts pour échapper à une emprise vécue comme humiliante. En 2007, l'encours des prêts de l'institution a fondu, tombant ainsi à moins de dix milliards de dollars, son plus bas niveau depuis 1984. Lorsque DSK prend les rênes de l’institution en 2007, les comptes sont dans le rouge, l’institution fonctionnant grâce aux intérêts perçus sur les crédits.

Ironie de l’histoire, c’est la crise des subprimes qui va ressusciter le fonds. En janvier 2008, lors du forum économique de Davos où se réunissent les grands argentiers de la planète, DSK joue les Cassandre en prédisant non pas un ralentissement, mais un effondrement de l’économie mondiale. Le directeur général va jusqu’à chiffrer le cout de la crise financière mondiale, à 1000 milliards de dollars, un cout impensable à l’époque. L’histoire lui donnera raison. Pis encore, DSK plaide pour la mise en œuvre de plan de relance massif, aux antipodes du modèle idéologique de l’institution ! Au G20 de Londres en avril 2009, en pleine tourmente financière, ses ressources sont triplées pour être portées à 750 milliards de dollars. Désormais, le FMI s’inscrit comme l’une des institutions clés de la gouvernance de la crise. Un embryon de gouvernance économique à l’échelle mondiale.

Au delà du décuplement des capacités du fonds, (en quatre ans, l'encours des prêts du FMI septuple, passant de 9,8 à 70,4 milliards de dollars en 2011), une autre réforme s’engage pour mieux refléter les rapports de force entre les grandes puissances économiques. Un lent processus de montée en puissance des pays émergents dans le capital, initié en 2006, va permettre de redorer le blason de l’institution en se traduisant par une meilleure représentation des puissances émergentes dans les droits de vote. Selon DSK, l’ex directeur du fonds, « Début 2012, les dix premiers actionnaires de l’institution représenteront fidèlement les 10 premières puissances économique mondiales, à savoir les Etats-Unis, l’Europe (Allemagne, France, Italie, Royaume-Uni) et les BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine)». Ainsi, la part des BRIC devrait passer de 9% en 2006, à 13.5% en 2012, quand l’Europe verrait ses droits de vote reculer de 32.5%, à 29.4% en 2012. La Chine devient ainsi le troisième pays en termes de droits de vote, derrière le Japon et les Etats-Unis. Il était d’ailleurs convenu que le successeur de DSK en 2012 soit issu d’un pays émergent afin d’achever le processus de démocratisation… Pourtant, si les BRIC ont vu leur représentativité augmentée, l’Afrique y a laissé quelques plumes et voit sa part dans la répartition des droits de vote légèrement diminuer à 5.6% contre 6% auparavant. Les Etats-Unis quant à eux conservent leur droit de véto avec leurs 16.5% de droits de vote puisque la majorité requise est fixée à 85%. Pour résumer, si l'institution est très loin d'avoir établi un système de représentation démocratique, elle avance sur la voie d'une plus grande reconnaissance des pays pauvres et émergents.

Les avancées les plus visibles concernent le rôle du fonds dans le débat d’idées. Un consensus se dessine pour dire qu’il faut plus de régulation, prendre en compte les couts humais et sociaux des crises, qu’une taxe sur les transactions financières est possible et une sur les banques souhaitable. Un discours réformateur, mais quelles traductions concrètes sur le terrain ? Le FMI continue de préconiser des coupes drastiques dans les dépenses, de procéder à la privatisation de pans entiers de l’économie et de baisser les salaires des fonctionnaires qui ont pour conséquence de plonger le pays en récession. Alors le FMI a-t-il vraiment changé ?

Fondamentalement, non, mais les plans d’austérité qu’il préconise sont perçus par les populations, notamment en Lettonie, Hongrie et en Roumanie comme des plans d’ajustement structurel « light ». Le vrai changement tient davantage au constat selon lequel le fonds n’administre pas le même traitement sans distinction aux pays qui le sollicite. Il s’adapte aux spécificités et aux situations locales, davantage soucieux des conséquences sociales de ses interventions. Une évolution sur ce dernier point qui n’est pas étrangère à l’identité politique de DSK selon les observateurs.

Reste un bais à prendre en compte, le FMI n’intervient pas seul en Europe, mais en concertation avec la BCE et la Commission Européenne. Or, ces deux institutions sont plus dures en affaires que le FMI selon les syndicats qui ont participé aux négociations. A titre d’exemple, le Fmi était contre une réduction de 12% du salaire minimum en Irlande, mais la Commission Européenne et la BCE ont refusé. Autre cas frappant, alors que les taux d’intérêts des prêts du FMI à la Grèce et à l’Irlande était fixés autour de 3.5%, les européens ont tenu à imposer des taux punitifs supérieurs à 5%, avant de les diminuer de 100 pdb en mars dernier pour desserrer l’étau sur la dette grecque.

La place qu’il occupe dans la gouvernance économique mondiale est devenue indispensable. Son rôle n’est plus tant d’être le préteur en dernier ressort, que de faire converger les points de vue, de composer avec les différents acteurs, pour faire simple, de faire consensus.

Le chemin reste long à parcourir pour devenir « l’OMC » des marchés financiers tant les espoirs qu’ils suscitent sont immenses. Le FMI pourrait jouer un rôle crucial dans la guerre des changes en développant les DTS (droit de tirage spécial) qui pourrait compléter les réserves de change des pays membres, afin de limiter la suprématie du dollar. Sans oublier la question de la régulation des marchés financiers, un défi immense à relever mais qui transformerait intrinsèquement le fonctionnement de la finance. Le FMI est devenu un embryon de la gouvernance économique mondiale, les nouvelles bases sont jetées, mais tout reste à construire.

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